Un projet de fin d’études de l’école d’ingénieur Polytech Montpellier démontre, via une analyse de cycle de vie, que l’usage en France de bambous guadua est moins impactant pour l’environnement que l’emploi de pin sylvestre de Suède.
Est-il viable d’un point de vue environnemental d’importer du bambou guadua sous sa forme brute pour la construction en France ? C’est la question à laquelle Clémence Dumoulin, étudiante à l’université Polytech de Montpellier, a tenté de répondre. Dans le cadre d’un projet de fin d’études, encadré par Éric Anglaret et Renaud Metz, tous deux enseignants-chercheurs, l’ingénieure a réalisé un bilan carbone via une analyse de cycle de vie (ACV) du bambou guadua. Une méthode qui consiste à établir l’impact environnemental d’un produit ou d’un service sur l’ensemble de son existence, en prenant en compte l’ensemble des étapes de vie : extraction, distribution, utilisation, et élimination vers les filières de fin de vie ainsi que toutes les phases de transport.
Une poutre en bois de pin standard et un chaume de bambou aux dimensions identiques ont été comparés
L’étude a permis de mesurer les émissions de carbone, la consommation en eau, en minéraux et énergie fossile, de l’emprise au sol de la production de bambou guadua et de son acheminement de Colombie jusqu’à l’entrepôt de Big Bamboo à Villeréal (Lot-et-Garonne). Les résultats ont ensuite été comparés avec une ACV de pin sylvestre récolté en Suède. Une essence régulièrement utilisée en construction en France et très souvent importée de Scandinavie. Afin d’obtenir des résultats cohérents, une poutre en bois de pin standard et un chaume de bambou aux dimensions identiques ont été comparés (1).
Pour évaluer avec précision, les émissions de carbone, des critères propres à chaque essence ont été retenus. Par exemple l’électricité nécessaire pour le séchage et le sciage du pin ou bien son traitement au sel de bore, (2) des étapes de transformation qui ne concernent pas le chaume brut. Par ailleurs, faute d’informations précises, certains critères dans l’analyse du cycle de vie du bambou guadua n’ont pas été retenus. C’est le cas par exemple de l’irrigation ou de l’utilisation de pesticides. En contrepartie, le scénario de mise en culture le plus défavorable en termes d’impact environnemental – la déforestation d’une forêt naturelle – a été sélectionné.
Le bambou guadua de Colombie parcourt 12 842 km pour arriver jusqu’aux entrepôts de l’entreprise Big Bamboo contre 2301 km pour le pin sylvestre de Suède.
Pour le transport du bambou guadua tout est pris en compte : de son départ à Buga-Habana, Guadalajara de Buga, Valle del Cauca, en Colombie (lieu de production) jusqu’à son arrivée à l’entrepôt de l’entreprise Big bamboo à Villeréal, près de Toulouse. Même chose pour le pin de Suède, qui va commencer son voyage à 50 km du port de Goteborg, en Suède.
Le bambou émet 2 kg de CO2 contre 3.2 kg pour le pin
Les conclusions de l’étude sont sans appel. L’usage en France de bambous guadua – production et importation – est moins impactant pour l’environnement que l’emploi de pin sylvestre de Suède. La graminée demande 1,5 fois moins d’eau, de ressources minérales et d’énergie fossile (charbon, gaz naturel, pétrole) que le résineux. Il émet également moins de carbone, 2 kg CO2 contre 3,2 kg CO2 pour le pin (avec une incertitude de 10 %).
Des chiffres étonnants au regard de la distance que doit parcourir le bambou guadua pour arriver jusqu’en France. Deux éléments majeurs expliquent ce résultat : le bambou est récolté plus tôt ce qui entraîne une occupation moins importante des sols. Dû au fait qu’il conserve sa forme brute, il nécessite également beaucoup moins d’étapes de transformation (séchage au four, découpage, ponçage) que le pin.
Si les résultats vont dans le sens du bambou guadua, ils mériteraient d’être complétés par une analyse de cycle de vie plus large. En effet, en plus de prendre en compte l’utilisation et la fin de vie du bambou et du pin, il serait pertinent de comparer le stockage du carbone à long terme des deux matériaux. Par ailleurs, des comparaisons supplémentaires avec d’autres essences importées d’autres régions utilisées pour le gros œuvre en France seraient pertinentes. Cela permettrait d’évaluer avec plus de précision l’intérêt environnemental de l’usage du bambou guadua dans la construction.
1 – Une poutre d’une longueur de 2.5m et de section 10-2 m2 dont la résistance à la flexion standard est de 79 MPa.
2- Traitement chimique qui permet de protéger le bois contre les attaques de champignons ou d’insectes xylophages.