Le bouleversement climatique nous oblige à changer nos pratiques de construction trop polluantes. Principale alternative, la maison ossature bois a le vent en poupe. Mais la solution pourrait bien devenir un problème. L’augmentation de la demande en bois menace nos forêts alors même qu’elles sont un allié essentiel pour la captation du carbone et la préservation de la biodiversité. Le bois de construction, un allié qui pose problème ?
Dans la course à la neutralité carbone pour 2050, le secteur du bâtiment est sans doute l’un des obstacles les plus redoutables. À lui seul, il représente 44 % de la consommation énergétique annuelle française et 25 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays (1). À noter que l’essentiel des émissions de CO2 et des consommations de ressources d’un bâtiment sont liées à sa phase de construction. Face à ce constat, il est donc urgent de réformer notre manière de bâtir. Et ce n’est pas un hasard si l’une des priorités du gouvernement pour espérer atteindre ses objectifs d’ici 2050 est la rénovation thermique des logements. C’est dans cette perspective qu’est entrée en vigueur en janvier 2020, la nouvelle réglementation environnementale des bâtiments (RE 2020) imposant la construction dite bas carbone aux logements neufs. L’objectif ? Améliorer la performance énergétique, adapter le bâti aux conditions climatiques futures, mais aussi et surtout diminuer l’impact sur le climat des bâtiments neufs en prenant en compte leurs impacts environnementaux sur l’ensemble de leur cycle de vie (2).
Les matériaux biosourcés ont de beaux jours devant eux.
Dans un tel contexte, la construction éco-responsable ou écologique (respectueuse de l’environnement) et plus particulièrement l’usage des matériaux biosourcés ont de beaux jours devant eux (3). Leur avantage est qu’à l ’inverse des matériaux conventionnels (béton, acier, ciment et autres matières synthétiques dérivées du pétrole) qui émettent du CO2, ils stockent le carbone capté tout au long de leur vie via la photosynthèse. Pourtant, en France, seulement 12% des matériaux utilisés dans le bâtiment (rénovation et construction neuve) sont biosourcés (4).
Parmi ces matériaux, on retrouve la paille. Présente en grande quantité dans l’Hexagone, elle peut servir d’isolant sous forme de bottes ou de panneaux. Une fois mélangée à de la terre, elle peut être également utilisée comme enduit pour les façades intérieures ou extérieures. Le chanvre est également très présent sur les chantiers. Utilisé principalement sous la forme de chènevotte, il sert d’isolant et permet la conception de mortier et de béton allégé une fois mélangé à de la chaux (5).
Ossature bois : la star de la construction écologique.
Sur la liste des matériaux biosourcés on trouve également le liège, la ouate de cellulose, le miscanthus, le lin, le coton, le papier et le textile recyclé ainsi que la laine de mouton. Mais dans l’univers de la construction écologique, la star c’est le bois. Utilisé depuis très longtemps, c’est le numéro un en termes de volumes utilisés (6).
Ses usages sont multiples (panneaux, placages, laine de bois etc) mais il est surtout très intéressant pour le bois d’œuvre, c’est-à-dire la conception de structures portantes. (charpente, plancher, poutre, etc). En France, la maison en ossature bois (MOB), est la technique la plus répandue. Dans ce système constructif, la structure porteuse de l’édifice est entièrement en bois et peut-être assemblée après avoir été confectionnée en atelier (7). Cet assemblage en kit permet un gain de temps et facilite l’exécution par rapport au bâti conventionnel. Aussi, la MOB, offre plus d’espace au niveau des murs et facilite le renforcement de l’isolation (8).
Concernant le matériau en tant que tel, il présente plusieurs avantages. Peu transformé, il nécessite moins d’énergie et est moins émetteur que les matériaux conventionnels. Mais voilà, aujourd’hui une grande majorité du bois de construction est importé d’Allemagne, d’Autriche ou des pays scandinaves alors même que la France dispose de 17 millions d’hectares de forêts. Le problème ? La filière n’ arrive pas à suivre la demande.
Un numéro d’équilibriste entre protection et exploitation de nos forêts.
Autre problème majeur: la gestion des massifs forestiers. Le bois est considéré renouvelable uniquement s’il y a une gestion raisonnée de la forêt. Or avec l’augmentation de la demande liée à la construction et aux granulés bois destinés au chauffage, il est légitime de se poser la question de savoir s’il est réellement possible d’augmenter la consommation en bois tout en protégeant nos forêts (10). Ces dernières s’étendent, mais perdent en qualité environnementale(9). En effet, motivée par une logique économique, la filière du bois privilégie de plus en plus les exploitations d’arbres au détriment des forêts. Or, ces exploitations cultivées très souvent en monoculture, abritent très peu de biodiversités, stockent moins de carbone et sont particulièrement fragiles aux conséquences du bouleversement climatique. (sécheresse, tempêtes, incendies, maladies etc.)
Des solutions en faveur d’une gestion raisonnée existent, mais impliquent inévitablement un plafonnement de la consommation de bois dans nos forêts. Face à un tel constat, il est légitime de se demander si nous ne devrions pas développer l’usage d’autres matériaux biosourcés afin de soulager la pression actuelle et à venir sur les massifs forestiers. Il existe aujourd’hui finalement assez peu d’alternatives au bois pour la conception de structures portantes. Le bambou, qui a déjà fait ses preuves à l’étranger est un candidat à ne pas négliger qui pourrait peut-être dans une certaine mesure être utilisé dans nos futures constructions.
1- https://www.ecologie.gouv.fr/energie-dans-batiments
2- De la phase de construction à la fin de vie des matériaux de construction, des équipements, en passant par la phase d’exploitation : chauffage, eau chaude sanitaire, climatisation, éclairage….
3 – Les matériaux biosourcés sont issus de la biomasse végétale ou animale.
4 – Observatoire de l’immobilier durable https://urlz.fr/mwZQ
5 – Surnommée la paille de chanvre, la chènevotte correspond à la partie intérieure de la tige.
7 – Le toit est porté par des éléments horizontaux ou verticaux en bois. Les murs sont composés de poutres de bois verticaux
8 – Une première épaisseur d’isolant peut-être installé dans les intervalles des montants puis une seconde à l’intérieur ou à l’extérieur de la structure.
9 – Avec seulement 18 % d’évaluations favorables, l’état de conservation des habitats forestiers s’avère majoritairement dégradé. https://urlz.fr/mzun
10 – Gestion forestière et changement climatique, Gaëtan du Bus de Warnaffe, Sylvain Angerand https://urlz.fr/mx20